Articles conférence OMEP 30 janvier 2019

Non Par Daniele

Conférence OMEP-France « A livres ouverts, à bras ouverts … : littérature de jeunesse et inclusion »

Comment la littérature jeunesse nous permet-elle de travailler la question de l’hospitalité et de l’acceptation de l’autre dès le plus jeune âge ? Quelles stratégies à mettre en œuvre pour faire évoluer la pensée réflexive, émotionnelle, culturelle et sociale du jeune enfant ? Et plus largement, comment accueillir de façon inclusive tous les enfants et leurs familles quelles que soient leurs origines ?

Vous trouverez ci-dessous les textes rédigés par tous les intervenants :

  • Danièle PERRUCHON, présidente OMEP-France
  • France MARQUET, Madanjeet Singh South Asia Foundation
  • Maryse METRA, psychologue de l’enfance et de l’adolescence, formatrice d’enseignants, bénévole dans une médiathèque du Jura
  • Alain SERRES, auteur de livres pour la jeunesse, directeur des éditions Rue du monde
  • Claire SAINTON, bibliothécaire à la bibliothèque Louise Michel (Paris 20ème )  
  • Marie AUBINAIS, ATD Quart-Monde, membre du secrétariat national de la Dynamique Enfance, auteur du livre « Les Bibliothèques de rue » (Ed. Bayard/Quart-Monde)
  • Les échanges avec les participants.

 

 Danièle PERRUCHON, présidente OMEP-France

Dès 2012, présidente du Comité français de l’Organisation Mondiale pour l’Education Préscolaire et depuis 2016, représentante de l’OMEP à l’UNESCO.

De formation universitaire en sciences, enseignante à l’école maternelle, formatrice en sciences et éducation au développement durable pour l’Académie de Paris et à la Fondation La main à la pâte, toujours impliquée dans le partenariat. Très engagée pour la cause de tous les enfants du monde au travers des actions locales, nationales et mondiales de l’OMEP, elle soutient le plaidoyer pour la défense de leurs droits, leur socialisation et leur épanouissement ainsi que l’accès à une éducation et des soins de qualité pour tous dès le plus jeune âge.

La présidente accueille les participants dans l’Auditorium de l’Hôtel de Ville de Paris pour cette conférence « A livres ouverts, à bras ouverts … ». Elle remercie chaleureusement la Mairie et ses services qui ont bien voulu mettre à disposition gratuitement cet endroit prestigieux, les adhérents de l’OMEP et tout le public, ainsi que tous les intervenants qui vont nous faire partager leurs réflexions et nous présenter concrètement leurs actions.

Elle introduit la séance par une brève présentation historique de l’OMEP pour les 70 ans de sa création.

Qu’est-ce-que l’OMEP ?

L’OMEP, Organisation Mondiale pour l‘Education Préscolaire, est née en 1948 de l’étroite collaboration avec l’UNESCO qui cherchait des alliances pour élaborer des programmes d’éducation pour la petite enfance.

Chercheurs, pédagogues, éducateurs, psychologues, représentants des familles, spécialistes de la petite enfance, se sont alors organisés en Europe du Nord pour répondre favorablement à cette attente.

Depuis lors, l’OMEP est devenue une organisation mondiale et, 70 ans plus tard, existe dans 70 pays :

1948-2018, 70 ans au service de la petite enfance !

Quels sont les objectifs de l’OMEP ?

Un de ses objectifs majeur est de promouvoir les droits de l’enfant et, comme le précise les objectifs de Développement Durable pour l’Education 2030 de l’UNESCO, en particulier l’OOD 4 concernant l’Education et sa cible 4.2, « de veiller d’ici 2030, à ce que toutes les filles et tous les garçons du monde entier aient accès à un développement, à des soins et une éducation préscolaire de qualité qui les préparent à suivre un enseignement primaire. »

Il place donc la petite enfance au rang des préoccupations mondiales.

De plus, l’OMEP a aussi un rôle de veille pour la qualité de bien-être, de santé et d’éducation au sein de la famille, des institutions et de la société, pour l’éducation à la paix, la solidarité et pour la coopération entre professionnels, parents et organisations s’intéressant à la petite enfance.

Les 70 ans de l’OMEP ont été célébrés à Prague en 2018, nous remettant en mémoire toutes les contributions que l’OMEP-France a apportées, nationalement et mondialement.

Parmi les Présidents mondiaux, on compte trois Présidents et Présidentes français : Suzanne HERBINIÈRE-LEBERT, Membre Fondatrice, Gaston MIALARET, Fondateur des “Sciences de l’Education” et Madeleine GOUTARD.

Un congrès mondial a été organisé à Paris en 1966. L’OMEP-France a fait de nombreuses interventions dans le monde, a participé aux récents projets OMEP mondiaux sur l’Education pour un Développement Durable et Jeu et résilience. Elle a aussi organisé des colloques et conférences nationales à Paris, notamment sur la sensibilisation aux Droits de l’Enfant.

Par ailleurs, l’OMEP Mondiale a obtenu un statut consultatif auprès de l’UNESCO dès 1950 : on compte 6 représentants français à l’UNESCO depuis 1972. Ils sont intervenus lors des Journées Internationales et Mondiales, Forum, Conférence Générale et autres manifestations, notamment sur l’Education (Eduquer le jeune enfant en Europe, Ethique et Environnement, Etayages multiples), l’accès à l’eau pour tous en Afrique…

L’OMEP-France a participé à la COP 21 en 2015 à Paris, au 8e Forum international à l’UNESCO « Changeons les esprits, pas le climat » en 2017.

L’OMEP a des relations avec des Associations amies comme l’AGEEM (Association Générale des Enseignants des Ecoles et classes Maternelles publiques) en participant à ses congrès ou La Fondation La main à la pâte qui est intervenue dans les conférences/congrès OMEP, ou encore Le Furet, la MGEN… au travers de la publication d’articles communs.

À livres ouverts, à bras ouverts

Pourquoi avoir choisi comme sujet de conférence La littérature jeunesse autour du thème des migrations ?

L’OMEP a toujours accordé une importance particulière à la littérature jeunesse, transmise oralement ou par écrit, sous forme d’album ou du récit illustré, mais aussi de comptines et de contes.

Le danois Jens Sigsgaard (1910-1991) fut l’un des cofondateurs de l’OMEP en 1948. Ce psychologue, spécialiste de l’éducation et de la petite enfance, œuvra toute sa vie, au plan international, pour le développement complet de l’enfant, l’importance du jeu, de la littérature… Il fut lui-même l’auteur d’un album à succès, paru en 1948, « Paul seul au monde », et traduit après la guerre dans le monde entier.

Le Comité français de l’OMEP a souhaité marquer les 70 ans de l’OMEP à Paris, en organisant une conférence soulignant l’importance et l’évolution de la littérature de jeunesse dans le développement et l’éducation du jeune enfant ainsi que le rôle médiateur joué par les bibliothèques.

Le rôle de la littérature pour la jeunesse dans l’éducation du jeune enfant a une dimension internationale, en lien avec les objectifs de Développement Durable – Education 2030, prônés par l’UNESCO, en particulier l’OOD 4 – cible 4.2, cité précédemment.

D’ailleurs, l’ensemble des ODD prônent l’équité, l’inclusion sociale, la diversité culturelle, le multilinguisme, le respect des droits des enfants, l’éducation à la paix et la construction de la citoyenneté mondiale…

Alors comment la littérature jeunesse nous permet-elle de travailler la question de l’hospitalité et de l’acceptation de l’autre dès le plus jeune âge ?

Comment permet-elle la prise en compte de la culture de l’autre, en particulier celle des migrants et faciliter ainsi leur inclusion ?

Quelles stratégies à mettre en œuvre pour faire évoluer la pensée réflexive, émotionnelle, culturelle et sociale du jeune enfant ?

Comment choisir des albums appropriés et les utiliser avec les enfants de manière inclusive et constructive ?

Et plus largement, comment accueillir de façon inclusive tous les enfants et leurs familles quelles que soient leurs origines ?

Pour essayer de répondre à toutes ces questions, pour illustrer et contextualiser tous ces propos, la table ronde sera modérée par Lisbeth Gouin, trésorière de la section de Paris de l’OMEP-France. Elle commencera par une présentation générale des migrations dans le monde suivie d’un temps d’interventions individuelles centrées sur la littérature jeunesse puis une série de questions / réponses proposées aux intervenants, et enfin d’un temps d’échanges avec la salle.

 

 France MARQUET, Madanjeet Singh South Asia Foundation

Etudes primaires au Vénézuela ; études secondaires et universitaires au Canada en Sciences Politiques (Université Mc Gill, Montréal).

Participe en tant que bénévole à l’alphabétisation en Gironde puis à la restauration des secteurs sauvegardés en France, Belgique, Hongrie et Suisse. Rejoint l’organisation caritative « Sumitra Foundation » en Inde pour la scolarisation de villages.

Participe à la création de l’association « South Asia Foundation » dans les 8 pays du SAARC (South Asian Association for Regional Cooperation), devient sa représentante auprès de l’Unesco en 2011. Est nommée administratrice principale de la « Madanjeet Singh Foundation » en 2011 jusqu’à nos jours.

Je voudrais remercier les organisateurs (Organisation Mondiale pour l’Education Préscolaire, OMEP) et la Mairie de Paris pour leur invitation à cette conférence débat, qui je l’espère sera fructueuse.

  • Quelques mots à propos de la fondation :

Un mouvement de jeunes dédié à forger des amitiés dans la région est créé par l’Ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO, Madanjeet Singh, en 2000, en partenariat avec des universités publiques et privées des 8 pays du SAARC ; création d’instituts dans différentes disciplines, donnant des bourses d’études supérieures à ces jeunes, en tenant compte de la parité des genres.

Il y a également tous les deux ans, le prix UNESCO Madanjeet Singh pour la promotion de la tolérance et la non-violence dont nous avons fêté cette année le 22ème anniversaire.

Si vous le permettez, je commencerais par quelques exemples concrets du phénomène migratoire dans la région où la fondation travaille (Afghanistan)

  • Réfugiés et migrations en Asie du Sud

Migrations volontaires ou involontaires, nourries par les furies des hommes.

Mais nous ne devons pas oublier que l’histoire de la migration est l’histoire de l’humanité.

Elles ont engendré des transferts de savoirs et des échanges culturels, entre autres.

Exemples :

  • Albert Einstein, né en Allemagne émigré aux Etats Unis où il est décédé, Prix Nobel de Physique en 1921.
  • Mahatma Gandhi a commencé sa carrière en Afrique du Sud, apôtre de la non-violence pendant la lutte d’indépendance de l’Inde. Actuellement, 5 million d’Indiens en Afrique du Sud (migration Sud-Sud)
  • Zone de conflits externes

En ce qui concerne l’Asie du Sud, (1 milliard 800 millions) dans 8 pays du South Asia Association for Regional Cooperation, (SAARC,)

Remontons au siècle passé, lors de la première partition du sous-continent Indien (1947) : 7 millions de Musulmans ont quitté l’Inde vers le nouveau Pakistan, 6 millions d’Hindous et Sikhs se sont réfugiés en Inde.

Plus de 2 millions sont morts laissant des frontières arbitraires et parfois inachevées, sources de conflits actuels de grande envergure.

Bangladesh:

10 millions de Bangladeshis ont fui vers l’Inde lors du mouvement d’indépendance en 1971 : le Bengal oriental, Tripura, Bihar, Assam, Meghalaya ont dû les héberger ; plus de 3 millions de morts.

Amaryta Sen, prix Nobel d’économie 1998, originaire du Bangladesh devenu Indien

Conflits internes:

Népal, mouvement maoiste et abolition de la monarchie, après une dizaine d’années de conflit interne provocant exil interne et vers d’autres pays: Inde, pays du Golfe…

Problèmes politiques internes:

Sri Lanka, problème Sinalais-Tamoul, guerre interne, déplacement de population, exil vers les Maldives, Inde, Europe, Amérique du nord ; actuellement : Office of National Unity and Reconciliation présidé par Mme Chandrika Bandaranaike Kumaratunga.

Pakistan, Inde, Afghanistan sont dévorés par des conflits ethniques.

En Assam (Inde) 400 000 sans papiers seront légalisés petit à petit.

Rohingyas au Bangladesh:

En 1991-2, 250 000 Rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh,

700 000 de l’état de Rikhine ont été déplacés suite à des violences sectaires Bouddhistes en 2012

Dhaka déclare que ce n’est pas dans son interêt d’accepter plus de réfugiés.

D’après Sumbui Rizvi, Coordinatrice Senior des Nations Unies, près d’un million vit dans des conditions déplorables à Cox Bazaar, Bangladesh. Une allocation de 400 millions des Nations Unies par la voix de son Secrétaire Général Mr Guterres et le chef de la Banque Mondiale Mr Jim Yong Kim souscrit par le Canada

Le SAARC ne s’ocupe pas directement de ce problème.

 

  • Zone de conflit interne

28 familles  Bru de Tripura retournent  à Mizoram (états Indiens limitrophes du Bangladesh) sur 35 000 réfugiés depuis 1997. Les Bru sont des peuples autochtones de la région, Phénomène mondial où les peuples autochtones sont déplacés et laissés pour compte.

2019 a été déclarée par les Nations Unies et L’UNESCO, l’année des peuples autochtones.

Pour des questions raciales, de nationalité, de religion, d’opinion politique, nouvelles dispositions en Inde.

Les six communautés: Hindous, Jains, Chrétiens, Sikhs, Bhudists, Parsis du Bangladesh, Pakistan, Afghanistan (pays Musulmans) qui font face à une discrimination et à des persécutions religieuses et ils n’ont d’autre endroit où aller que l’Inde, la citoyenneté leur sera fournie.

Le Lok Sabha a adopté mardi 29 janvier 2019 le projet de loi controversé sur la citoyenneté qui vise à accorder la citoyenneté à des non-musulmans du Bangladesh, du Pakistan et de l’Afghanistan. Réfugiés Afghans, 6 millions au Pakistan, 1 million en Iran.

En Europe, on ne peut pas passer sous silence les 25 000 mineurs non accompagnés (2015) nombre qui a sensiblement augmenté (OFII).

 

  • Autres zones de migration:
  • Au Moyen Orient, dans l’antiquité les Hébreux fuient l’Egypte, aujourd’hui les Palestiniens sont disséminés dans des camps en Jordanie, Syrie, Liban : avec le conflit international en Syrie,1 million de réfugiés au Liban.

Accueil par les différents pays, Europe, cas du Portugal, Amérique du nord,

Regroupements familiaux, au Canada, US

Migration essentiellement vers les pays du Golfe et la Malaisie pour les immigrants d’Asie du Sud.

  • 37% de la population des pays du Golfe sont des étrangers
  • 80% dans les Emirats Arabes Unis occupent des emplois dans la construction et les services

Ils contribuent au développement de ces pays émergents. Et grâce aux versements à leur famille restée au pays, elles peuvent continuer de vivre. Au Népal, ils constituent 23% du GDP.

 

Prix Nobel 2014 : Kailash Satyarthi, Malala Yusafzai

Kailash Satyarthi a recu le prix Nobel de La paix, parce qu’il s’est battu à travers son Organisation non-Gouvernementale (ONG) contre le travail des enfants.

Malala Yusafzai, également prix Nobel de la paix, à travers sa fondation, elle travaille pour l’éducation des filles.

D’où le rôle majeur de la société civile à travers les ONG, fondations, qui sont en prise directe avec le terrain et font remonter l’information aux gouvernements.

Rôle Exemplaire de l’UNESCO dans le domaine des droits de l’homme, dont nous fêtons cette année les 70 ans.

Furies de la nature: la région de L’Hymalaya est toujours en mouvement, tremblements de terre (Pakistan, Inde, Népal), glissements de terrain, déplacements internes.

Inondations, Kerala, Inde, Pakistan
Tsunami, Bagladesh, Sri Lanka, Maldives,

  • En Amérique Latine, essentiellement pour des questions politiques.

Mexique, sujet brûlant avec la nouvelle administration américaine, depuis la conférence de Marrakech (décembre 2018), le Mexique devient pays d’acceuil pour les migrants venus des pays d’Amérique Centrale, essentiellement du Honduras, le temps qu’ils passent aux US ou retournent chez eux.

On ne peut pas ignorer le gros point noir, le Venezuela: fuite des industriels de la classe moyenne, essentiellement dans d’autres pays voisins (3 millions d’exilés).

Gabriel Garcia Marquez Prix Nobel de Littérature 1982, Colombien mort  au Mexique.

Causé par les catastrophes naturelles, cas d’Haïti: après le tremblement de terre, cas intéressant du gouvernement Bachelet (Chili) qui offre d’acceuillir des jeunes orphelins Haitiens pour qu’ils puissent faire leurs études. Mais ils ajoutent à cela une information à la population Chilienne pour leur expliquer la démarche, car le Chili, au cours de son histoire, n’a jamais eu recours a l’esclavage provenant de l’Afrique noire, à l’opposé des autres pays d’Amérique du sud.

  • En Afrique, bien sûr il y a le Maghreb et les anciennes colonies européennes en Afrique noire, Française, Hollandaises, Italiennes, Portugaises, Anglaises, Allemandes.

Déplacements internes pour des raisons politiques, ethniques.

Soudanais, Ivoiriens, Congolais, etc, accueillis en France

Kofi Anan Ghaneen prix Nobel 2001

Les complications du retour : parfois les propriétés n’existent plus ou ne sont pas bien définies.

En Afghanistan, Bangladesh, Sri Lanka, Nepal, Inde : villages brûlés.

  • Les pays d’accueil:

 

Un peu partout dans le monde, dans les différents continents.

Chaque pays a sa politique d’Immigration.

L’Europe, les pays Anglo-saxons (Commonwealth) : immigration sélective suivant les besoins du pays, pareil dans les pays du Golfe (anciennes colonies Britaniques) : 12 millions d’Arabes au Brésil depuis plusieures générations.

Avec les nouveaux moyens de communication, les gens s’informent ou sont leurés et se retrouvent dans des situations dramatiques, quel que soit le continent.

 

Marco Ommizolo: à travers son ONG travaille en collaboration avec les immigrants Sikhs en Italie, Penjabi (Inde) pour les instruire dans leur droit. Il a été décoré par le Président   Italien Mattarella.

Après la conférence de Marrakech sur la migration, 10-11 décembre 2018, se sont retirés du pacte : Autriche, Australie, Chili, Israël, République Tchèque, République Dominicaine,  Hongrie, Pologne.

Belgique, Bulgarie, Estonie, Italie, Suisse veulent plus de consultations.

Conclusion : rôle primordial des ONG, de l’UNESCO, qui célèbre cette année les 70 ans des droits de l’homme, et surtout de l’éducation, base de tout progrès.

Merci.

France Marquet

Principal Trustee, Madanjeet Singh Foundation (MSF) & SAF Representative to UNESCO

Trustee, MSF

Email: madanjeetsaf@gmail.com

 

Maryse METRA, psychologue de l’enfance et de l’adolescence, formatrice d’enseignants, bénévole dans une médiathèque du Jura

Les albums racontent des histoires aux enfants, des histoires qui ressemblent à la leur, ou pas, avec des situations plus ou moins proches de leur réalité. Mais si les livres leur permettent de se dé-couvrir un peu, ils leur permettent d’aller aussi à la rencontre de l’autre, d’appréhender les similitudes et les différences qui fondent toute société. Nous ouvrirons de nombreux livres pour découvrir comment le « nourrissage culturel » permet de grandir en humanité.

Introduction : Ma propre relation aux livres

“ Le livre ouvre sur un espace aéré, l’espace de la potentialité et de l’absence, l’espace de la pensée, du rêve et des émotions. En ce lieu élu, à habiter, mieux que nulle part ailleurs, on y apprend de l’autre, de ce qui le fait, le fonde, être humain, de parole, d’histoire et de culture. Et dès lors, on s’y découvre. Ensemble.”                              Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre.

Fille d’un ouvrier et d’une femme de ménage, je vivais dans une Cité ouvrière dans le Jura. Le comité d’entreprise de l’usine qui employait mes parents avait le souci de faciliter l’accès à la culture à tous ses ouvriers, et avait créé une très belle bibliothèque où tous les jeudis après-midi nous nous retrouvions nombreux. Pour aller à la bibliothèque, je passais par la rue de Rome et la rue de Varsovie, là où vivaient les ouvriers que l’on avait fait venir d’Italie et de Pologne pour avoir de la main d’œuvre. Le plaisir de lire, de partager avec d’autres, de satisfaire mes curiosités sur le monde, est né de cette première expérience.

Bien plus tard, j’ai été enseignante et mes neuf premières années, je les ai passées avec des enfants qui rencontraient de grandes difficultés de lecture, ils étaient pour cela dans une classe de perfectionnement. Ils arrivaient après deux ou trois années d’apprentissage de la lecture avec la méthode syllabique, qui, contrairement à ce qu’on veut nous laisser entendre, ne réussit pas à tous les enfants. Il me fallait alors leur redonner l’envie d’apprendre à lire, et quoi de mieux que le plaisir partagé autour de livres de littérature jeunesse, d’albums que j’aimais et que je souhaitais partager avec eux.

Puis, rééducatrice dans un Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, j’ai beaucoup utilisé les livres comme médiation pour remotiver des enfants décrocheurs.

Les livres nous parlent, ils parlent de nous, ils parlent du monde d’avant, de celui d’aujourd’hui, et de ce que pourrait être demain. Ils nous font voyager là où l’on ne peut pas forcément aller, et ils peuvent apporter des explications aux questions que nous nous posons, aux questions que nous posent les enfants.

Maintenant, à la retraite, je suis bénévole dans une médiathèque du Jura, et parmi le public que j’accueille, il y a des « bébés lecteurs » accompagnés d’adultes, assistantes maternelles, parents, grands-parents, pour lesquels la relation aux livres n’est pas toujours facile.

 

J’ai voulu retracer ce parcours avec vous pour vous dire qu’on a ouvert des livres pour moi, et qu’à mon tour, j’en ai ouvert et j’en ouvre encore.

 

Lors du lancement du film « Les livres, c’est bon pour les bébés », Michèle Petit, anthropologue au CNRS déclarait :

« Le sens de la transmission culturelle, c’est cela : je te présente le monde que d’autres m’ont passé et que je me suis approprié, ou je te présente le monde que j’ai découvert, construit, aimé. Je te propose des supports symboliques en culture orale et en culture écrite. (…)

Je te présente des livres parce qu’une immense partie de ce que les humains ont découvert y est caché. Tu pourras y puiser pour donner sens à ta vie, savoir ce que d’autres ont pensé des grandes questions que tu te poses. Tu n’es pas seul pour les affronter.

Je te donne ce qui à mes yeux est le plus beau, tu en feras l’usage que tu veux, tu passeras à ton tour ce que tu aimes à tes enfants ou à ceux dont tu croiseras la route.

Il arrive que l’enfant se détourne de ce que nous lui proposons, il faut continuer tranquillement à lire le monde avec eux. A un enfant, nous donnons ce qui nous paraît le plus beau, et il en fera ce qu’il veut. On est dans le partage, pas dans l’imposition.

Pour mille raisons, on nourrit les enfants avec des ritournelles, des contes, des histoires, des images d’albums, des petits voyages. Cette transmission culturelle, il y faut plusieurs lieux : la famille, les professionnels, la médiathèque ; il y faut aussi plusieurs registres : on déploie un décor et on propose des récits à travers notre voix.

Quand nous lisons, l’enfant construit son monde intérieur, des petites chambres à soi pour penser. « 

 

Un livre ouvert pour soi et sur le monde

Le psychologue et psychanalyste Jacques Lévine déclarait : « L’enfant de demain aura besoin, plus que jamais, d’être considéré, à la fois

– comme un « petit tout » (celui qu’il forme avec lui-même, cercle relativement fermé avec soi-même, c’est la mégalomanie),

– comme un « moyen tout » (celui qu’il forme avec ses groupes d’appartenance : famille, école, groupes d’âge)

– et comme un « grand tout » (se sentir exister comme enfant du monde, et pas uniquement comme enfant d’une famille, élève d’une classe…). L’enfant a besoin de s’inscrire, au-delà de son univers proche, dans l’universalité, pour pouvoir se distancier, à la fois du sur-accompagnement que font peser sur lui toutes sortes de structures groupales artificielles et du sous accompagnement auquel le voue le processus actuel de déliaison de chacun par rapport à ses contenants traditionnels.

Selon Jacques Lévine, les pannes de croissance dans le développement d’un sujet, tiennent à une non-articulation de ces trois cercles concentriques.

 

Et le livre est pour moi un excellent support pour découvrir ce qu’Edgar Morin appelle la trinité humaine qui met en évidence que chacun de nous est à la fois « individu », « partie d’une société » et « partie d’une espèce ».

Les livres nous permettent de nous mieux connaître, et de mieux comprendre le monde qui nous entoure : la famille, les voisins (voir livre de Einat Tsafati), mais plus globalement, le monde.

Comme illustration, je vous propose le travail fait avec des enfants autour d’un livre qu’Alain Serres connaît bien puisqu’il l’a écrit : « Bonnes nouvelles du monde » illustré par Nathalie Novi.

Partant de la lecture de ce livre, chacun réfléchit à ce que serait pour lui une bonne nouvelle pour le monde.

J’ai lu ce livre à des enfants dans le cadre de l’heure du conte, et même les plus jeunes (4-5 ans) ont été captivé du début à la fin. Les illustrations et le grand format donnent à voir, et le texte donne à entendre, « Atchoum, la forêt a éternué ! Boum, boum, les armes ont parlé… » et surtout, le petit colibri Zunzuncito permet une identification : « Tu es le plus petit, mais le plus curieux de mes oiseaux » lui dit le héros Théophraste, et le lézer zézaiement du colibri constitue aussi une accroche pour le jeune public !

A la fin du livre, on nous dit : « En hommage aux journalistes du monde entier, Nathalie Novi a peint sur des pages de journaux venus de 11 pays différents ». C’est vraiment un livre ouvert sur le monde et sa diversité !

 

Dans le cadre de l’OMEP, j’ai eu l’occasion de présenter « La petite casserole d’Anatole » qui parle du regard qu’on porte sur l’autre, mais dans la formation des enseignants, je présentais toujours un autre livre en complément « Quatre petits coins de rien du tout ». Le premier parle du sujet, l’autre parle de la nécessaire adaptation de nos institutions, de la société, pour l’accueil de l’autre.

Nombreux sont les livres dont je pourrais parler, qui permettent de répondre à la question « A quoi sert la littérature ? », et je vous propose une réponse possible :

« Élaborer des expériences de pensée, des situations impossibles qui nous aident à comprendre le monde où nous vivons. » (J-J.  LECERCLE et Ronald SHUSTERMAN, L’Emprise des signes. Débat sur l’expérience littéraire, Le Seuil, 2002, p. 185.)

On trouve même des albums qui tentent de répondre à cette question :

Un livre, ça sert à quoi ? Chloé Legeay, Éditions Alice jeunesse, 2010

Cet album traite, par un ensemble de métaphores ou d’aphorismes, la question de la dimension symbolique de la lecture.  Il interroge peu l’aspect utilitariste de la lecture et beaucoup plus le rapport intime que le lecteur va découvrir au fil de ses rencontres avec les livres :

– la compréhension du monde : un livre permet de comprendre et de grandir ;

– la construction de soi : un livre permet de trouver des solutions à des difficultés, être comme un ami, éprouver des émotions, être un refuge ;

– le rapport aux autres : un livre permet le partage, l’expression de l’affection ;

– l’évasion : un livre permet de vivre des aventures ou des voyages par projection ou identification ;

– l’écriture : un livre est une voix, il est écrit par quelqu’un et chacun peut s’essayer à écrire ;

– les lieux de lecture : l’image suggère de nombreux lieux de lecture parmi lesquels le pot ou les toilettes.

Enfin, de nombreuses références intertextuelles apparaissent dans l’illustration.

 

Le livre répond aussi à un besoin, « Le nourrissage culturel » dont parle Serge Boimare avec quelques bonnes raisons de lire des livres aux enfants

  1. Construire des pratiques, sociales, culturelles et langagières à propos des livres.
  2. Construire l’attention conjointe sur un objet culturel scolarisé.
  3. Comprendre les attentes et intentions de l’adulte, de l’institution.
  4. Construire un imaginaire culturel.
  5. Construire et partager les valeurs de l’école, de la nation (liberté, égalité, fraternité), en lien par exemples avec les ateliers de philosophie.
  6. Multiplier les expériences du monde, de soi…
  7. Se construire comme apprenti interprète.

 

Conclusion provisoire

Ma manière de passer le bâton à Alain Serres, c’est de lui rappeler cette belle invitation que nous ont fait Nathalie Novi et Daniel Picouly : Et si on redessinait le monde ?

« Mais toi ?… Toi, enfant ? Tu vas te contenter de « Oh ! », de « Ah ! » ?

Juste regarder le monde des autres passer ? Alors ?!

Déroule la page la plus longue, lisse et blanche, sous tes pas, face au soleil, que ton ombre soit plus grande que toi. 

Taille plumes, roseaux et mines effilées en lances de guerriers.

Trempe tes pinceaux au crin soyeux et ferme dans des encres aux couleurs improbables.

Bande ton arc et lâche le trait. Laisse ta main courir au-devant de toi.

Elle sait. Te connaît.

Quand tu émergeras de ce rêve bousculé, recule-toi, incline un peu la tête.

Si la toile ne te plaît pas : froisse-la ! Fais-en une boule de papier rageuse.

Jette-là au panier et recommence. Et recommence encore.

Tu as tous les droits, enfant.

C’est ton métier, enfant, de recommencer ce que les grands ont abîmé.

Ce ne sera pas facile, tu as raison. Mais est-ce que c’est la question ? »

 

 

 

Alain SERRES, auteur de livres pour la jeunesse, directeur des éditions Rue du monde

Ex-enseignant en maternelle, Alain Serres a publié une cinquantaine d’ouvrages chez de nombreux éditeurs, allant du premier album pour bébé de 18 mois au documentaire pour jeunes adolescents. Il écrit aussi des recueils de poèmes, des chansons, des pièces de théâtre et écrit pour l’audiovisuel. Il propose de nombreux ouvrages ayant traits aux droits de l’homme et plus particulièrement à ceux de l’enfant.

Le sous-titre de Rue du monde parle de lui-même, « Des livres pour interroger et imaginer le monde ». Une démarche originale qui associe regards citoyens, ouverture aux autres cultures et tremplin à l’imaginaire. Les ouvrages s’adressent à l’intelligence, à la sensibilité et à l’esprit critique des enfants.

 

Créer des livres est complexe, pas seulement du point de vue économique, mais surtout pour cerner le sens de ce geste : comment penser ces livres, que peut-on libérer avec ces livres ?  Pourquoi et comment refaire le monde en quelques livres ?

J’ai eu la chance d’enseigner à l’école maternelle (un des premiers hommes à y travailler !), dans les quartiers populaires des Yvelines ; dans cette école qui donne les bases de l’éducation aux enfants, avec une ouverture sur tous les domaines. Une école où l’enfant existe pleinement, en tant qu’individu et dans le groupe. J’y ai appris qu’il a la fragilité de l’individu mais aussi des besoins collectifs.

Dans ces années 1980, on assiste au renouveau des livres jeunesse : les thématiques traitent de problèmes contemporains ; on ne veut pas de textes édulcorés ; les auteurs parlent de mort, de vie, d’argent, de bonheur… J’ai aussitôt envie d’écrire. Une cinquantaine de livres naissent, des animations, des ateliers…

Et en 1996, j’ose rêver « Rue du Monde », maison indépendante, fondée au départ avec l’aide d’une cagnotte …

Le premier titre paraît : « Le Grand Livre des Droits de l’Enfant », c’est une nouvelle édition du livre que nous avions réalisé avec PEF, aux éditions La Farandole, en 1998, un an avant la signature de la Convention des droits de l’enfant !
Depuis, 500 livres sont parus à Rue du monde et de nombreux projets sont bien sûr en cours de réalisation.

Un des objectifs de la maison est de partager de la culture le plus équitablement possible. Pour l’enfant, s’emparer déjà de sa culture représente « un magnifique sac à dos » pour affronter la vie, les rencontres, les paysages, mais s’ouvrir à celle des autres, à l’humanité est décisif…

Un autre objectif est l’exigence. L’enfant peut apprendre très tôt à documenter son regard dans les livres et à y développer son esprit critique. Ce sont les premiers pas de l’apprentissage de la démocratie.

Le 3e objectif de nos livres est de développer l’imagination en faisant appel à l’imaginaire et à la poésie pour approcher le monde tout en le dépassant, en agissant sur lui, en le reconstruisant… La création est au cœur du projet de Rue du monde, c’est la charpente de ses engagements.

Elle tend la main à la créativité des lecteurs et des enseignants pour leur donner envie de faire, d’agir, poursuivre l’histoire, décider d’en faire une affiche pour partager un message, inventer…

 

Repenser le monde avec les enfants.

Le 2e livre important de Rue du monde a été « La cour couleurs », préfacé par Albert Jacquard, une anthologie de poèmes contre le racisme. Il ressort aujourd’hui, enrichi, 50 poètes de tous les continents y disent l’amitié et le respect des différences : c’est une bouffée d’air fraternel !

Guerre, attentats, misère, les enfants savent et voient tout. Il n’est pas facile d’être un enfant aujourd’hui, avec la dureté de la réalité… et la désillusion des parents.
Mais les enfants ont quelques chances, en écho aux trois cercles, « petit tout, moyen tout et grand tout » dont a parlé Maryse Métra.

Ils ont d’abord les parents, la famille, la petite bande de proches sur laquelle compter pour la solidarité et la confiance.

Ils ont ensuite l’école de la république, et ses enseignants, où ils sont avec d’autres, leurs égaux, suivant le même chemin.

Ils ont enfin les gens de culture qui travaillent à la création, à partager du sens, de l’espoir.
Et parmi eux, les auteurs de littérature jeunesse.

Mais que dire aux enfants ?  Et comment le dire ?
Rue du monde reçoit plus de 2 000 projets par an dont beaucoup portent sur tous les problèmes du quotidien, mais la plupart sont des « prêchi-prêcha », pas de la littérature, un discours moral ou strictement pédagogique.

Je ne sais pas si Rue du monde est une maison « engagée » — je me méfie un peu de ce terme dans le domaine de l’enfance — mais je sais qu’elle n’est pas « dégagée » du monde ! Elle mise plutôt sur l’enfant chercheur, celui qui élabore lui-même du sens entre les lignes, entre texte et image… là se niche le bonheur de lire.

Pour terminer, trois exemples de livre qui ouvrent aux autres, tout en invitant à une littérature jeunesse créative.

1• La belle collection des « Coups de cœur d’ailleurs ». On y découvre 30 titres venant de pays voisins (Allemagne, Espagne, Belgique, Suède…), ou plus lointains (Mongolie, Venezuela, Iran…), les deux prochains viennent de Turquie et de Finlande. Ces livres ne racontent pas ces cultures mais soulignent plutôt l’universel des valeurs de l’enfance.

Voici en avant-première, « Une année avec le vent », dans lequel, le vent, ce personnage invisible, est représenté par des traits en mouvement, des volutes, des spirales, des gestes… Traits saccadés, ronde entraînante ou ligne droite, le vent suit le rythme des saisons et semble tourner les pages de ce calendrier venu de Finlande. Un livre pour mimer, peindre, danser. Un tremplin vers les autres et vers le bonheur des livres.

2• « Le livre qui parlait toutes les langues » a pour but de sensibiliser et ouvrir à la diversité linguistique.

Ecrit en 20 langues différentes, avec des graphies différentes et une histoire enregistrée sur un CD en français et dans 19 autres langues voilà de quoi étourdir le Grand Méchant Loup en chinois, arabe, turc, russe, chinois, berbère… pour apprendre à accueillir les mots venus d’ailleurs, se fabriquer des oreilles gourmandes d’ailleurs.

L’enfant doit oser se dépayser, c’est un bon premier pas qui vaut tous les discours !

  • Je terminerai par un album permettant d’aborder la question des réfugiés avec les plus jeunes, « La bille d’Idriss »

Quand il doit fuir la misère et la guerre avec sa mère, marcher le long des routes, se glisser sous le mur de barbelés avant d’embarquer sur un fragile bateau, Idriss n’a qu’une chose en tête : sa bille. Il la serre fort dans son poing pour que jamais la chance ne les abandonne. Et quand il rencontre un enfant du pays d’accueil qui, lui, possède un sac rempli de billes : « Bille ! bille ! » est le 1er mot de sa nouvelle vie ! C’est simple, fort débordant de vie… tout ce que l’on aime !

 

Claire SAINTON, bibliothécaire à la bibliothèque Louise Michel (Paris 20ème )    

Le lieu bibliothèque en lui-même doit être pensé comme lieu de vie pour tous, lieu de mixité sociale, intergénérationnelle… et, entre autres, lieu d’accueil des plus petits et de leur famille, quelles que soient leurs origines, statut social…

Plus que la gestion de collections ou du contenu autour de la littérature jeunesse en elle-même, c’est bien la notion d’accueil qui est à replacer au centre du métier de bibliothécaire. Il sera présenté à partir d’exemples mis en place à la bibliothèque Louise Michel – Paris 20e afin que tous se sentent plus à l’aise et légitimes pour venir à la bibliothèque.

 

La bibliothèque, lieu de lien social dès le plus jeune âge :

l’exemple de la bibliothèque Louise Michel

Louise Michel est une bibliothèque du 20ème arrondissement de Paris située dans le quartier entre Nation et la Place de la Réunion. C’est un quartier qui rassemble environ 20000 habitants avec une population assez mélangée. La bibliothèque a ouvert en 2011. Il y a quelques années en arrière, il y avait dans le quartier assez peu de structures culturelles. Il y a maintenant dans la rue des Haies : la bibliothèque, un centre d’animation et un centre social également très actif sur le quartier.

La bibliothèque a été réclamée par les habitants du quartier et ils ont été beaucoup associés au projet dès sa construction. Cette participation des habitants est toujours un axe fort du projet et les habitants (les adultes mais aussi les enfants) sont associés au quotidien au fonctionnement de la bibliothèque.

La bibliothèque a vraiment été conçue comme un lieu de vie. Il est possible de manger et boire, de téléphoner… C’est très important pour faire de ce lieu, un espace convivial et pas trop formel. Pour que les gens se sentent à l’aise de venir à la bibliothèque, il est important d’en faire un lieu chaleureux et pas trop impressionnant. L’aménagement de la bibliothèque a été conçu dans ce sens. Les collections ont été installées principalement dans les alcôves sur le pourtour de l’espace pour libérer l’espace au centre et y installer des fauteuils et des meubles plutôt bas pour ne pas donner l’impression d’une forêt de livres qui peut être impressionnante au premier abord.

L’espace pour les plus petits est lui aussi aménagé pour que les gens puissent s’installer confortablement avec de grands tapis et des assises autour. Des jouets : Duplo, Kapla, dinette, sont également prévus dans l’espace pour diversifier les usages du lieu et les activités des familles qui restent parfois longtemps sur place. La bibliothèque dispose aussi d’un petit jardin, qui permet aux usagers de profiter d’un espace extérieur quand la bibliothèque est ouverte au public et qui est en partie géré (jardiné) par et avec les habitants (les enfants adorent nous aider à arroser le jardin).

La bibliothèque se veut un lieu aux usages multiples : prêt de livres évidemment, mais aussi jeux, ateliers créatifs, lieu de travail, lieu pour se retrouver entre amis et se poser pour discuter… Les bibliothèques sont en fait le seul lieu chauffé et abrité qui soit gratuit et dans lequel tout le monde peut entrer sans avoir à présenter de justificatif quel qu’il soit. Il est vraiment ouvert à tous. C’est un lieu du vivre ensemble et du faire ensemble. Il est important de travailler au quotidien dans ce sens.

L’accueil des plus petits en bibliothèque n’est pas encore une évidence pour tous. Pour beaucoup, la bibliothèque étant un lieu de silence, il n’est pas adapté aux plus petits qui bougent, font du bruit, dérangent les livres. Beaucoup de gens n’osent pas venir en bibliothèque avec des tout-petits. Il y a un travail pédagogique à faire auprès des familles pour vaincre ces réticences. La bibliothèque a donc réalisé un petit guide afin d’aider les parents ou professionnelles de la petite enfance qui voudraient venir à la bibliothèque. Inspiré d’autres guides de ce type, il explique ce que l’on peut faire à la bibliothèque, rassure sur le comportement des plus petits à la bibliothèque, donne des pistes pour choisir des livres et lire à des tout-petits. Venir à la bibliothèque avec un tout-petit, c’est également l’occasion pour l’enfant de rencontrer d’autres gens, de travailler sa sociabilité.

Pour mieux accueillir les plus petits à la bibliothèque, des bibliothécaires sont également présents les tranches horaires les plus chargées pour lire avec les enfants. Cela permet à des professionnelles qui gardent plusieurs enfants de lire à certains pendant que d’autres lisent avec la bibliothécaire par exemple. C’est également un temps qui permet de discuter aussi bien avec les enfants qu’avec les adultes qui les accompagnent du fonctionnement de la bibliothèque, des livres, ou juste de la pluie et du beau temps pour mieux se connaître tout simplement et créer du lien.

Les professionnelles de la petite enfance sont aussi accueillies sur des temps spécifiques. Nous accueillons des nounous avec les enfants qu’elles gardent via le relai assistantes maternelles et le relai auxiliaires parentales du quartier. S’appuyer sur ces structures comme intermédiaire, facilite la venue de ce public à la bibliothèque et permet, une fois de plus, de mieux connaître aussi bien les enfants que les adultes. Nous recevons également des parents qui viennent avec leurs tout-petits via des accueils organisés avec les PMI du quartier.

Sortir de la bibliothèque est également un bon moyen de rencontrer les enfants et les adultes qui les accompagnent. Lors des BHLM, Bibliothèques Hors les Murs, les bibliothécaires s’installent une matinée par semaine dans le parc tout proche de la bibliothèque. C’est une bonne occasion pour faire connaître la bibliothèque à des gens qui n’y viennent jamais.

Nous travaillons également avec les professionnels des structures de la petite enfance du quartier. Pendant le Comité petite enfance, les bibliothécaires apportent des livres qui sont prêtés aux professionnel·le·s de crèches et halte-garderies. Les livres sont « testés » auprès des enfants puis, lors la séance suivante, les professionnel·le·s nous font leurs retours sur les lectures faites auprès des enfants. C’est un très bon moyen de diversifier l’offre de livres dans ces structures, de travailler sur des thèmes en particulier, de parler des pratiques de lectures avec les tout-petits. Une affiche avec les coups de cœur de l’année est réalisée et diffusée dans les bibliothèques et structures participantes.

L’action culturelle est également un moyen important de travailler sur le vivre ensemble et sur l’ouverture aux autres. Dans l’exemple que je vous présente en photo, nous avions au mois de mars 2018, organisé un ensemble d’évènements autour du genre. L’heure du conte pour les enfants avait été réalisée par un groupe de Drag Queen dans le cadre de la Queer Week. C’est un évènement qui a eu un grand succès et que nous allons de nouveau proposer cette année.

Nous travaillons également très régulièrement avec les associations Encrages et Paris d’Exil sur des évènements festifs et solidaires autour de l’accueil des migrants. Encrages est une association qui a été créée principalement par des auteurs·trices / illustrateurs·rices jeunesse (Judith Gueyfier notamment). L’association mène des actions festives et solidaires au bénéfice des migrants et réalise des témoignages dessinés de leur difficile quotidien. Ces deux dernières années, nous avons organisé avec l’association 4 journées de solidarité avec les familles migrantes. Pendant ces journées, des auteurs et illustrateurs viennent animer des ateliers, présenter l’association… Un goûter partagé est organisé ainsi qu’une collecte de produits d’hygiène. Avec l’aide de l’association Paris d’Exil, des familles migrantes et de jeunes migrants sont accompagnés à la bibliothèque pour profiter de ce temps convivial, qui se fait bien sûr aussi avec le public de la bibliothèque. De nombreux auteurs·trices participent régulièrement et bénévolement à ces journées.

Pour finir, je voulais parler également de la participation des enfants à la bibliothèque. Au quotidien, les enfants sont très impliqués dans les activités de la bibliothèque. Un système d’aides bibliothécaires a été mis en place (inspiré notamment d’un système développé à la Petite bibliothèque ronde).

Les enfants peuvent porter leur badge d’aide bibliothécaire s’ils nous aident à ranger ou racontent avec nous des histoires aux plus petits sur les tapis. Ils ont également l’occasion de proposer et d’animer des ateliers à la bibliothèque. Un rendez-vous mensuel est prévu avec eux pour connaître leurs propositions et envies, organiser concrètement des évènements (quand ? quel matériel est nécessaire ? qui coordonne ?). C’est un axe important dans le projet d’établissement qui vise à favoriser l’implication des enfants dans des activités collectives, partagées avec une dimension citoyenne où l’on fait POUR et AVEC les autres.

Je vous remercie de votre attention. Vous pouvez suivre les activités de la bibliothèque sur le blog :

https://biblouisemichel.wordpress.com et sur les réseaux sociaux !

Bibliothèque Louise Michel

Guide des tout-petits

Lieu de vie pour tous, la bibliothèque Louise Michel accueille petits, jeunes, adultes et seniors dans un espace convivial. Chacun peut venir pour découvrir des livres, travailler, aller sur internet, regarder des films, jouer aux jeux de société, se rencontrer… Les enfants dès la naissance y sont les bienvenus sous la responsabilité de l’adulte qui les accompagne.

L’espace des tapis est conçu pour permettre aux enfants de partager des moments de lecture et de jeux avec les adultes.

Lire des livres avec les bébés est à la portée de tous. Cependant, pour ne pas être dérouté par l’attitude des tout-petits, voici quelques conseils.

Pourquoi lire aux bébés ?

Le bébé aime qu’on lui parle, il est sensible à la musique de la voix. Lui lire des livres participe à son éveil, au même titre que des jouets.  Il a d’abord besoin de découvrir l’objet livre. Il va donc vouloir toucher, sentir, goûter, regarder… L’adulte l’accompagne dans cette découverte et grâce à la lecture, cet objet va prendre sens.

Quels livres choisir pour mon tout-petit ?

Vous pouvez lui lire des histoires au texte répétitif et bien rythmé, lui montrer des livres aux images contrastées, lui chanter des chansons… Comptines, imagiers, petites histoires sont à votre disposition (en français ou d’autres langues). Vous ne savez pas quoi lire ? Faites des essais, laissez-le choisir ou n’hésitez pas à nous demander conseil. L’inscription à la bibliothèque est gratuite et permet d’emprunter 20 documents.

Comment lire à mon tout-petit ?

Avant 6 ans, l’enfant a besoin de mouvement et ne peut pas rester assis longtemps. Il arrive qu’il se lève ou s’éloigne de celui qui lit mais il écoute très bien de loin. Laissez-le faire.

La lecture est un moment offert sans contrepartie, sans questions pour s’assurer que le tout-petit a bien compris. Chaque enfant prend dans les histoires ce dont il a besoin. Même s’il ne connait pas tous les mots, il aime les entendre. Faites confiance à l’auteur et lisez le texte tel qu’il est.

L’enfant adore la répétition : il chante en boucle la même comptine ou demande toujours la même histoire. Cela peut être lassant pour l’adulte, mais pas du tout pour l’enfant. Accordez-lui ce plaisir !

Comment savoir si l’histoire que je lui lis lui plait ?

En l’observant : le tout-petit écoute avec tout son corps, il peut bouger les pieds, les mains, babiller, sourire, ouvrir grand les yeux, tirer la langue…  Il peut aussi montrer son désintérêt en détournant le regard, en pleurant ou en s’éloignant. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’aime pas les livres mais que ce n’est pas le moment ou qu’il en a assez.

Que faire si mon tout-petit se met à faire du bruit ou à courir partout ?

Le jeune enfant peut montrer des signes d’énervement, pleurer, crier. Prenez le temps de voir si ce n’est qu’un agacement passager ou s’il en a vraiment assez. Dans ce dernier cas, mieux vaut écourter votre visite et revenir à un moment plus propice. C’est le plaisir qui compte et non le temps passé à la bibliothèque. Pour un tout petit, rester 30 minutes c’est déjà bien.

Que faire s’il se met à vider les bacs ?

Vider des bacs est une activité normale chez les jeunes enfants, ce n’est pas une bêtise. Cela fait partie de leur développement : vider, toucher, remplir, manipuler… Il suffit, au moment de partir, de ranger les livres sortis.

Que dois-je faire s’il a déchiré un livre ?

Quand l’enfant est vraiment petit, aidez-le à manipuler le livre. En grandissant, il apprendra à le faire seul. Si malgré vos précautions, un livre est déchiré ou abîmé, merci de nous le rapporter sans le réparer.

Quand venir à la bibliothèque avec mon tout-petit ?

Horaires de la bibliothèque : mardi, jeudi, vendredi : 13h – 19h

(hors vacances scolaires)     mercredi : 10h – 19h

samedi : 10h – 18h

Nous accueillons petits et grands dans un même espace, parfois très fréquenté. Certains créneaux sont particulièrement chargés par temps froid : de 16h30 à 18h en semaine ainsi que le mercredi matin. Nous vous invitons à venir aux heures plus calmes : mardi, jeudi, vendredi de 13h à 16h ou après 18h.

Nous proposons des accueils spécifiques, dans le cadre de partenariats, avec des PMI, le RAM du XIème et le RAP de la Croix saint Simon. Renseignements auprès des bibliothécaires et des structures concernées.

Pour que chacun passe un bon moment à la bibliothèque, pensez à :

  • ranger les poussettes dans le local ;
  • donner le goûter en dehors des tapis, idéalement sur une table ;
  • parler doucement ;
  • ranger les livres et jouets avant votre départ ;
  • surveiller les enfants attentivement. Plusieurs endroits sont dangereux (portes automatiques, escaliers, ascenseurs…) et demandent une vigilance accrue de votre part.

Où aller avec son tout-petit dans le quartier ?

  • Le Jardin des Roos – 01 46 59 34 48 – www.jardindesroos.fr
  • La maison ouverte – 01 44 93 44 76

www.epe-idf.com/accueil/la-maison-ouverte

  • La maison des sources – 01 43 15 16 30 – www.ose-france.org/enfance/petite-enfance-maison-des-sources-0-4-ans
  • Le Super Café – 09 81 94 44 98 – supercafe.fr
  • Café jeux NATEMA – 01 43 73 75 25 facebook.com/cafejeuxnatema

29-35 rue des Haies – 75020 Paris

01 58 39 32 10 – bibliotheque.louise-michel@paris.fr

 

Marie AUBINAIS, ATD Quart-Monde, membre du secrétariat national de la Dynamique Enfance, auteur du livre « Les Bibliothèques de rue » (Ed. Bayard/Quart-Monde)

Ni soutien scolaire, ni dispositif d’action sociale, la bibliothèque de rue est un lieu, sans porte, ouvert à la vie, dans des lieux d’exclusion. ATD Quart Monde et ses animateurs cherchent à y briser le mécanisme qui voudrait que l’on rejette toujours plus pauvre que soi et à faire découvrir, grâce à la beauté des livres, la richesse du monde aux enfants et celles de ces enfants à eux-mêmes et aux autres.

 

LES BIBLIOTHEQUES DE RUE DU MOUVEMENT ATD QUART MONDE
« Le livre et la parole leur ont ouvert les portes de la vie. »

(Joseph Wresinski)

 

Initiées en 1968 par le mouvement ATD Quart Monde, les bibliothèques de rue portent l’ambition de lutter contre l’exclusion par la culture. Elles favorisent l’accès à la lecture et au savoir des enfants et des familles vivant dans la pauvreté.

Elles contribuent à la construction et à l’expression de leur pensée, afin qu’enfants et parents puissent agir librement pour leur propre bien et celui des autres, et prennent ainsi toute leur place dans la société.

Il n’existe pas de modèle idéal de bibliothèque de rue. Des objectifs communs induisent des fonctionnements identiques, mais chacune trouve l’organisation et la manière d’exister qui correspondent à son histoire, son environnement, ses acteurs.

Le dispositif

 « Une fois par semaine, des adultes chargés de livres rejoignent les enfants dans une cité, sur un terrain de voyageurs, près d’un tas d’ordures… Là, dehors, à la vue de tous, ils déroulent une natte et s’installent pour une heure à deux de lecture. Semaine après semaine, ils reconduisent ce rendez-vous pour favoriser le plaisir de lire et susciter au fil du temps échanges et rencontres avec les enfants, leur famille et les habitants d’un quartier. C’est la bibliothèque de rue. »*

La bibliothèque de rue est le plus souvent un espace à ciel ouvert. Rester dehors, sur une couverture, avec des livres, est une manière d’être proche, visible et transparent. Cela permet aux enfants de faire le pas vers le livre sans rien avoir à demander, ni s’inscrire, ni devoir s’adapter à un lieu. C’est, pour les plus timides, un moyen de voir ce qui s’y passe, et de prendre confiance, pour s’aventurer progressivement vers le groupe et le livre, dans un espace de respect et de paix.

Pour les parents, c’est l’opportunité de découvrir ce qui se vit et de se sentir accueillis tout comme leurs enfants.

La légèreté du dispositif permet sa mobilité pour s’adapter aux circonstances et rejoindre les enfants que l’on veut atteindre en priorité.

Les enjeux fondamentaux

Prendre tout le monde en compte, sans exception

Joseph Wresinski, le fondateur d’ATD, voulait bâtir une communauté où il fait bon vivre pour tous. « Pour tous », ne signifie pas pour le plus grand nombre, mais « pour tous sans exception ». En effet soulignait-il avec force « la priorité aux plus pauvres se place au point de départ, elle n’est jamais acquise chemin faisant ».  Il s’agit, en bibliothèque de rue de veiller sans cesse à prendre en compte tous les enfants d’un quartier, à chercher à savoir si personne n’a été oublié, et à être attentif à chacun, à son rythme, à ses centres d’intérêt, à ce qu’il dit.

 

Permettre aux enfants de découvrir le plaisir, le goût, le désir, l’intérêt de la lecture.

Tous les jeunes enfants, même les bébés, quel que soit leur milieu, ont de l’intérêt pour les histoires (de nombreux travaux scientifiques l’ont montré). Cet intérêt diminue vers 5/7 ans chez les enfants à qui on n’a pas lu ou raconté des histoires, alors qu’il dure plus facilement chez les autres.

Il a par ailleurs été aussi démontré que des jeunes enfants sont devenus lecteurs, dans des milieux qui ne l’étaient pas, lorsqu’une personne – un aîné, un parent ou quelqu’un de l’entourage – leur a lu des livres, raconté des histoires ou chanté des comptines, régulièrement dès le plus jeune âge.

La bibliothèque de rue a donc pour objectifs de :

C’est principalement à l’école que revient la mission d’apprendre à lire mais les enfants ne sont pas égaux face à cet apprentissage. Le livre, symbole du savoir, peut alors susciter l’inquiétude de ne pas être à sa hauteur. Il peut même renvoyer parfois à des expériences dévalorisantes, humiliantes. Beaucoup d’enfants le voient comme un objet utile, qu’ils aimeraient maîtriser, mais sans rien en attendre d’autre, ni savoir qu’il peut être source de plaisir, d’ouverture au monde et de pensée.

Nourrir les enfants d’histoires et de contes, chemins pour la découverte de soi, de l’autre, du monde.

Donner aux enfants des mots pour exprimer leurs émotions, leurs sentiments, leurs idées. Quand l’enfant prend du plaisir à écouter une histoire qui lui est lue, cela lui donne envie de lire par lui-même : découvrir que les lettres et les mots ont un sens est le meilleur moyen de faire naître le désir de les comprendre.

De plus, le langage utilisé dans les récits permet de se repérer dans le temps et dans l’espace, il aide à construire la pensée.

La lecture incite à la rêverie, elle est source de liberté intérieure : les récits font entrer dans l’écrit par l’émotion, la force des histoires, le plaisir de la découverte, le dialogue. Des questions, des intuitions, des rêves, enfouis au plus intime, se révèlent à nous au travers de lectures, mieux que nous n’aurions jamais su les exprimer.

La lecture peut aussi ouvrir à l’autre et à l’ailleurs.

Aller à la rencontre des enfants grâce au support privilégié d’échanges que peut représenter le livre.

Un animateur et un enfant qui se rencontrent autour d’un livre ont les yeux tournés dans la même direction, vers les mêmes images et partagent les mêmes émotions. Riant, s’émouvant ou découvrant ensemble, ils sont sur un pied d’égalité. Au fur et à mesure des rencontres, la confiance s’établit, les enfants se révèlent et des liens se créent.

Rencontrer les enfants, leur donner l’occasion d’exprimer ce qu’ils pensent en étant écoutés, recueillir leurs paroles permet de mieux les connaître, les comprendre, apprendre d’eux et les accompagner dans leurs projets et leurs espoirs.

Cela prend du temps et demande à l’enfant de dépasser la méfiance, la peur d’être trahi ou délaissé. Et si le sentiment de ne pas être reconnu est toujours vécu comme une violence, celui d’être écouté et considéré lui permet, au contraire, de révéler qui il est, ce qu’il connaît, ce qu’il aime, ce qu’il vit.

 

L’importance de la relation et de la rencontre.

Sur la couverture de la bibliothèque de rue on se retrouve et on apprend à se connaître. Les animateurs viennent souvent de quartiers et de milieux sociaux éloignés de ceux des enfants, et les uns et les autres découvrent des personnes qu’ils n’ont guère ou pas du tout l’occasion de rencontrer par ailleurs. Les enfants qui appartiennent parfois à des communautés différentes qui ne s’entendent pas, partagent les mêmes livres sur une même couverture, qui devient un lieu de paix. Les parents, bienvenus en bibliothèque de rue, peuvent y voir leur enfant sous un autre jour, parce qu’il lit et s’intéresse à mille choses à travers les livres. Et ce qui se joue autour du livre est intimement lié aux relations qui se nouent lors de cette rencontre hebdomadaire, car l’offre de lecture n’est pas perçue par les populations les plus éloignées des offres culturelles tant qu’elle n’est pas portée par une véritable rencontre humaine, de personne à personne.

 

Créer une dynamique culturelle.

Une bibliothèque de rue n’a pas vocation à durer éternellement. Elle crée des ponts vers d’autres acteurs.  Ainsi, selon l’endroit où elle se déroule, elle cherche à créer des partenariats, mettre sur pied des actions communes avec la bibliothèque, l’école, le centre socio-culturel, d’autres associations, etc… afin d’ouvrir des possibles, révèler des envies et des capacités d’agir, dans le quartier et au-delà.

 

Conclusion

Les Bibliothèques de rue d’ATD ont la double ambition de partager le savoir, la beauté, contenus dans les livres, et de révéler aux personnes en situation de précarité leur propre richesse. Implanter de telles actions, disait Joseph Wresinski est « pour une société le signe qu’elle veut apporter aux plus pauvres le meilleur d’elle-même. C’est le signe aussi qu’elle croit que le Quart Monde peut apporter le meilleur de lui-même en retour. »

 

* In Les bibliothèques de rue, Marie Aubinais, Co-édition ATD QM/Bayard. Paris, octobre 2010

 

Les échanges avec la salle en fin de conférence

 

Dans le monde numérique, les livres disparaissent : comment envisager l’adaptation ?

Quelle est la place du message ?

Alain SERRES : les enfants aiment les albums, l’objet permet l’intérêt, il peut être partagé avec un adulte. Les ventes de livres jeunesse progressent. Pendant les temps de loisirs, ne pas laisser les enfants absorbés par les écrans. Le livre c’est beau.

Maryse METRA : au salon du livre de Montreuil, on constate le plaisir des enfants.

 

– Quand les enfants ne sont pas dans un milieu propice à la lecture : a-t-on des expériences d’enfants migrants traumatisés ?

Marie AUBINAIS : a le souvenir d’enfants de Somalie chez lesquels elle a pu constater l’appétit d’intégration, le bonheur du livre offert.

 

– Témoignage de participants :

La mise à disposition de livres aide à la guérison, au développement de l’intériorité, au partage des émotions.

Un livre, ça se partage. On peut voir l’avenir positivement.

Utilité des livres de jeunesse auprès des publics de migrants.

Claire SAINTON : il ne faut pas imposer de tranches d’âge de lecture.

Michel TOUZEAU a trouvé l’après-midi très intéressant ; il regrette qu’il n’y ait pas eu d’enseignant en activité à la tribune. Les enfants sont baignés dans un contexte difficile (télé, guerres…). Il est important d’apprendre à lire pour à apprendre à réagir, critiquer… Les élèves peuvent faire leurs propres livres ou journaux. Une formation des enseignants est nécessaire.

 

 

– En réponse à Alain SERRES :

On peut constater des carences dans la formation des enseignants.

Maryse METRA : cite l’exemple de création d’un abécédaire en Ouzbekistan.

Claire SAINTON : rappelle l’importance du livre pour le livre. Des enfants écrivent leurs propres livres pour les bibliothèques.

Marie AUBINAIS : cite l’exemple du livre « La grammaire de l’imagination » publié par Rue du Monde qui rend le lecteur acteur créatif.

Conclusions :

Chaque intervenant en une minute dit ce qu’il voulait dire et n’avait pu dire jusque là.

France MARQUET : signale un livre en langue indoue du Pakistan

Maryse METRA : cite son expérience personnelle : un milieu ouvrier n’est pas forcément un milieu étranger au livre.

Claire SAINTON : on peut tous aimer lire et ne pas tous lire la même chose.

Alain SERRES : milite pour un service public de la lecture. Donne lecture d’un extrait du livre « Les juments blanches » de Paul André, écrit en différentes langues. Et distribue aux participants des posters et catalogues de Rue du Monde.

La présidente de l’OMEP Danièle PERRUCHON rappelle les enjeux et remercie les participants.