Lecture : « Les yeux de Mona »

Non Par Gilles

Maryse Métra, membre du conseil d’administration de l’OMEP-France vous propose un livre qui défend « l’art au service de la vie »

Thomas Schlesser, Les yeux de Mona, 2024, Albin Michel.

Si l’enfant dont il est question dans ce livre à dix ans, nous remontons dans les traumatismes de sa petite enfance, et je pense qu’il peut intéresser les lectrices et les lecteurs de l’OMEP-France. L’éditeur annonce la couleur sur la couverture : « Une initiation à la beauté et à la vie en 52 chef d’œuvres ». De la vie, de la beauté, de l’art, il est question, mais ce livre va bien au-delà. Il est question d’enfance, de transmission, d’amour, de liens intergénérationnels, de non-dits, de blessure dans la toute petite enfance…. « Avancer dans la vie, c’est faire cet effort ingrat de mettre au jour des blessures qu’on n’avait pas vues venir et qui, par leur discrétion même, traumatisent l’être tout au fond de son abîme » (p. 404).

Mona a dix ans lorsqu’elle est menacée de cécité. Elle est accompagnée par de nombreux spécialistes et nous suivons son parcours médical, mais elle est aussi accompagnée par son grand-père, personnage érudit et fantasque, qui va la conduire au musée chaque mercredi après-midi. « Si je deviens aveugle, le paradis des couleurs, j’espère qu’il sera dans ma tête… Mais il est là, le paradis des couleurs ! je l’ai trouvé ! Il est dans la peinture… » (p. 356)

L’auteur Thomas Schlesser est auteur de nombreux essais sur l’art et prend le temps de nous faire découvrir 52 chef d’œuvres qu’il nous décrit scrupuleusement, en même temps que l’enfant les observe, dans trois musées de Paris (l’enfant habite Montreuil) : Le Louvre, Orsay et Beaubourg. Ces œuvres emblématiques qui embrassent cinq siècles d’histoire de l’art figurent dans la jaquette du livre et accompagnent ainsi notre lecture. Après cette observation, le grand-père donne des clés pour interpréter ces œuvres afin que s’inscrive en Mona (et en nous par la même occasion !) toute la profondeur du monde et des symboles qu’il véhicule. En suivant l’enfant dans sa vie familiale et scolaire, nous voyons aussi comment elle se nourrit de cet enseignement. En se confrontant aux œuvres, elle s’éduque et elle surmonte un traumatisme, ce qui permet à Thomas Schlesser d’aborder l’art-thérapie dont il est un fervent défenseur. Il rejoint Louise Bourgeois qui déclarait : « L’art est une garantie de santé mentale ». Dans la forme littéraire, il fait en sorte que Mona n’utilise jamais de tournures négatives, elle s’exprime uniquement avec des formes affirmatives, exclamatives et interrogatives. Parallèlement au défi littéraire, l’auteur aborde une question qui lui tient à cœur : comment rendre accessible le domaine des beaux-arts au public malvoyant et non-voyant ? Dès sa sortie, ce livre a été publié en braille, en gros caractère et en livre audio. 

« J’avais envie d’écrire un livre qui défende l’idée d’un art au service de la vie. Distinguer le symbole de la réalité, la représentation de la vérité. C’est devenu un enjeu primordial dans nos société saturées par l’image » nous dit l’auteur.